Action climatique des entreprises : quel impact sur leur coût du capital ?
Pour cette deuxième rencontre du Climat, Getlink a réuni décideurs, analystes, chefs d’entreprise pour ouvrir la réflexion sur l’impact des actions climatiques des entreprises sur leur coût du capital.
Le coût du capital, une variable indispensable pour les entreprises
Le coût du capital est primordial pour les entreprises, il influence les investissements et est l’un des critères principaux observés par les investisseurs car lié au taux de rendement exigé par les investisseurs pour financer les projets. Obtenir un coût de l’argent plus faible pour financer un actif “vert” que pour financer un actif “brun” est donc un levier majeur pour inciter à conduire cette opération de décarbonation même si elle apparaît plus coûteuse a priori.
« Le coût du capital est primordial si nous souhaitons financer de nouveaux projets donc nous sommes amenés à nous questionner sur l’impact de nos actions climatiques sur le coût de notre capital. Chez Getlink nous sommes très engagés dans la transition écologique, nous sommes alignés sur la taxonomie européenne à 93% mais mener des projets « verts » coûte plus cher que mener des projets « bruns ». Faire rouler nos trains de fret ferroviaire partout en Europe avec des résidus d’huile de colza, cela coûte plus cher que le fioul lourd. » a indiqué Yann Leriche, Directeur général de Getlink.
Pour réussir la transition écologique il faut donc que les investisseurs valorisent davantage les efforts menés par les porteurs de projets vertueux pour l’environnement pour entériner un effet « greenium ».
Un coût du capital plus bas pour les investissements verts ?
La transition écologique a un coût et doit faire l’objet de lourds investissements. Ils sont estimés à 5000 milliards de dollars à partir de 2030 par l’Agence Internationale de l’Energie, à flécher notamment vers les infrastructures vertes et les énergies renouvelables. En l’absence de taxe carbone qui permettrait de fixer un prix sur le carbone émis par les entreprises, le levier d’un coût du capital plus faible pour les entreprises « vertes » est une nécessité pour les différents acteurs économiques.
Sébastien Pouget, Professeur de Finance à la TSE, mentionne néanmoins plusieurs études qui relèvent que « sur les 15 dernières années, les entreprises vertes ont eu une rentabilité un peu plus faible que les entreprises brunes ». Ces études sont souvent menées sur le marché dit secondaire qui reste moins pertinent que le marché primaire, car il est le marché observé par les investisseurs.
Le financement de la transition écologique est donc crucial pour sa réussite et la finance doit aussi faire sa transition pour rediriger les investissements vers les activités vertes.
La nécessité d’adapter les règles financières à la transition écologique
Le secteur financier se préoccupe fortement de la question de la transition écologique et c’est « l’une des plus belles opportunités d’investissement pour nos clients pour les années qui viennent », a indiqué Estelle Castres, Directrice générale France, Belgique et Luxembourg de Blackrock. Pour le secteur financier trois facteurs clés doivent être pris en compte pour la transition écologique : les innovations technologiques, la préférence des consommateurs et enfin une réglementation favorable.
Néanmoins Yann Leriche estime que « la finance n’évolue pas assez vite, la boîte à outils de la finance est totalement déconnectée de la boîte à outils ESG. C’est ce qui a conduit Getlink à créer la marge décarbonée ». Le MEDAF (Modèle d’évaluation des actifs financiers) reste aujourd’hui la méthode de calcul de rentabilité d’une entreprise utilisée par les investisseurs financiers. En théorie, le modèle standard intègre les enjeux climatiques comme tous les autres risques. Ce modèle fait évoluer le coût du capital par rapport au risque non diversifiable et n’est pas adapté pour les investissements dans des activités vertes.
Ces modèles financiers doivent évoluer rapidement, pour prendre en compte le risque climatique comme un risque financier. Certaines stratégies d’investissements sont mises en place par les acteurs financiers, à l’instar de Blackrock qui a mis en place une stratégie « brown to green » pour accompagner les investisseurs vers la décarbonation de leurs investissements.
La centralisation des initiatives et l’harmonisation des règles financières doit être la prochaine étape pour que la transition écologique puisse être soutenue par le secteur et conduise à la baisse du coût du capital des entreprises vertueuses.